Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 
«  Il y a de moins en moins de forêts ! Les rivières se dessèchent ! Le gibier disparaît ! le climat se détériore ! » s’écrie le docteur Astrov, en 1897, dans la pièce de Tchékhov, Oncle Vania.  
 
Tchékhov était un visionnaire, affirme Françoise Lervy-Joly, devant un public mêlé de lycéen·nes du Haut-Barr et du Leclerc. Cet auteur russe nous avertissait déjà, il y a 120 ans, du risque encouru par notre planète, si les humains continuaient à « tout détruire ». Malheureusement, le succès retentissant de la pièce n’aura pas suffi pour éveiller les consciences. Plus d’un siècle après la création d’Oncle Vania, nos jeunes spectateurs sont frappés par l’actualité de ce chef d’œuvre.
Nous voici au TAPS Laiterie de Strasbourg, le mardi 15 octobre 2019.  Cinquante jeunes savernois·es sont venu·es assister à une répétition ouverte du spectacle mis en scène par Olivier Chapelet : la classe de 1èG3 d’Edwige Lanères, venue du lycée du Haut-Barr, et le club théâtre de Sabine Niess, du lycée Leclerc. Les lycéen·nes du Haut-Barr sont calmes, et pour cause : ce matin les jeunes ont couru, déguisé·es, pour le cross du lycée. Attentifs, ils et elles écoutent les explications du metteur en scène, observent le jeu des comédien·nes, et découvrent la réalité du travail des artistes, en amont des représentations.
 
Par chance, le metteur en scène Olivier Chapelet n’est pas tatillon ; il laisse les acteurs jouer de grands pans de la pièce, sans les interrompre. C’est seulement a posteriori qu’il reprend une intonation, essaye un autre déplacement, et demande toujours plus de tonicité dans le jeu.
Pourquoi certains comédiens connaissent-ils moins le texte ? Pourquoi faut-il leur souffler les répliques ?
Là encore, c’est lié à l’une des réalités du métier. Les artistes qui ont des rôles moins importants dans la pièce jouent en parallèle d’autres spectacles, et ils continuent à donner des cours au conservatoire d’art dramatique. Ils répètent donc beaucoup moins souvent Oncle Vania avec la troupe.
« Ce n’est pas encore assez investi, déclare Olivier Chapelet à l’acteur qui incarne le vieux Serebriakov. Il faut plus d’angoisse : le personnage sort à peine de son cauchemar, il est comme un enfant, il croit réellement avoir perdu sa jambe… »
Très proche des acteurs, mais aussi de Tchékhov lui-même, le metteur en scène rit souvent, il réagit presque à chaque réplique, comme le ferait un public extrêmement réceptif. Parfois, il se métamorphose en chef d’orchestre, exprimant par de grands gestes la montée en tension, jusqu’à l’acmé de la scène. Il est un spectacle à lui-seul. Musicien du théâtre, il donne aux échanges du souffle, du rythme, et sait mettre en relief une parole, une attitude, par d’opportuns silences.
Le travail de réécriture de la pièce, à partir de différentes traductions, a si bien ancré en lui le sens du texte, qu’Olivier Chapelet trouve la note juste à chaque retouche : « Ici, fais sentir l’ironie du professeur, qui méprise le diagnostic du docteur. » « Là, il faut plus d’acidité. » 
« Toi, tu restes là-bas. » ordonne-t-il à sa fille, Coline Chapelet, qui endosse le rôle de Sonia, la nièce de Vania.
Nos élèves suivent tout avec curiosité ; ils semblent conquis par le jeu, et sans doute aussi par le texte de Tchékhov. S’adressant à nous, spectatrices et spectateurs, O. Chapelet nous apprend que, grâce à notre présence, les comédien·nes font mieux sortir leur voix aujourd’hui, et que leur jeu est plus tonique. Manifestement, le public galvanise les artistes !
Après la répétition ouverte, Françoise Lervy-Joly, la « nounou », consacre encore un quart d’heure aux lycéen·nes, dans l’entrée du théâtre, pour répondre à leurs questions.
- « Pourquoi avez-vous choisi de jouer cette pièce ? 
- J’ai toujours aimé et toujours joué Tchékhov, avoue l’actrice. Quand j’étais jeune, j’avais d’autres rôles dans ses oeuvres, et à chaque âge, j’ai éprouvé différents plaisirs théâtraux, en  jouant les pièces de cet auteur. »
Françoise les interroge à son tour : « - Qu’est-ce qui vous plaît dans cette pièce, Oncle Vania ?
- C’est très moderne, répond un élève.
- Oui : les répliques du docteur Astrov semblent avoir été écrites aujourd’hui : « Des milliers d’arbres périssent. Les tanières des bêtes sauvages, les nids des oiseaux se vident ! Les rivières s’ensablent et se dessèchent. Des paysages merveilleux disparaissent pour toujours… »
 
Comment interpréter ces phrases de fin du monde ? A vous de jouer, les élèves !
En décembre, Olivier Chapelet et sa fille Coline viendront au lycée, animer plusieurs ateliers théâtre. Apprenons les répliques, préparons plusieurs scènes pour profiter pleinement de ces interventions artistiques ! Ainsi, lorsque nous irons voir la représentation d’Oncle Vania, le 23 janvier 2020, à l’Espace Rohan de Saverne, nous savourerons, en conscience, chaque aspect du spectacle.
La tête emplie des phrases de Tchékhov, nous sortons sous la pluie, retrouver le bus qui nous ramène à Saverne.
Merci Olivier Chapelet, merci Coline (Sonia), Françoise Lervy (la nourrice) qui est déjà venue quatre fois au lycée ces dernières années, Fabien Joubert (Vania), Anne-Laure Hagenmuller (Elena), venue l’an dernier pour une intervention contre la violence. Merci Bruno Journée (Tiéléguine), merci Yann Siptrott (docteur Astrov), François Small (Serebriakov) et bravo à toute la troupe !
Chapeau les artistes !
Edwige Lanères