Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 

Dans le cadre de leur cours de philosophie sur le fait religieux, une classe de TES du Lycée du Haut-Barr, suite à la profanation du cimetière de Wetshoffen de décembre dernier, a bénéficié d’une réflexion sur l’importance de transmettre la mémoire de la Shoah. 
Les jeunes ont été invités par leur professeure, Mme Le Van, à réfléchir à la gravité des faits : « Ainsi que l'enseignent les anthropologues, là où le respect des défunts est mis à mal, la civilisation l'est aussi ». Les élèves, qui avaient dû au préalable faire des recherches sur les causes de l’antisémitisme, ont souligné que « ces souillures expriment une haine, aussi aveugle que nocive », et ils ont pris conscience que « ces actes renvoient à une idéologie qui a, par le passé, ensanglanté tragiquement le continent ». L’enseignante de philosophie leur a rappelé que ces actes odieux portent aussi atteinte à la République et à ses valeurs : « Tout acte antisémite, comme tout acte antimusulman ou antichrétien, attente au principe de laïcité, qui joue un rôle phare pour l'éthique citoyenne et pour le vivre-ensemble en paix ». 
Les élèves ont ensuite bénéficié du regard de l’historienne Mme Jost-Lienhard, invitée au Lycée du Haut-Barr pour leur présenter le film « Kaddish pour un prof », qui a reçu le prix Annie et Charles Corrin 2020, réalisé avec des élèves du Lycée Adrien Zeller de Bouxwiller. En effet, rien de mieux pour interpeller des jeunes que de le faire avec un support lui-même créé par d’autres jeunes. L’enseignante d’histoire a expliqué comment ses élèves se sont transformés en apprentis chercheurs, en épluchant les documents d’archives de l’établissement, et ont ainsi été amenés à découvrir un professeur de lettres classiques, juif, né en 1882, ayant exercé à Bouxwiller de 1919 à 1940, dénommé Maurice Bloch. Grâce aux éléments biographiques rassemblés, l’historienne et ses élèves ont pu reconstituer le destin tragique de ce professeur profondément humaniste, pratiquant un judaïsme libéral. Après avoir été exclu de l’enseignement en 1940, Maurice Bloch se réfugie à Limoges, mais sera finalement arrêté et déporté à Auschwitz-Birkenau, par le convoi 62 en novembre 1943, où il perdra la vie dès son arrivée, en étant conduit vers les chambres à gaz.
Les élèves du Haut-Barr ont été touchés par la vie de cet enseignant philanthrope, qualifié de « trop bon envers les élèves » sur ses rapports d’inspection retrouvés dans les archives. Révoltés par le fait qu’un homme si bon ait été victime de la barbarie nazie, les lycéens ont posé des questions à l’historienne : « Pourquoi Maurice Bloch a-t-il été oublié et n’a-t-il été redécouvert par vous et vos élèves que récemment ? ». Mme Jost-Lienhard précise qu’« en faisant disparaître les juifs, mais aussi d’autres catégories de personnes, physiquement et administrativement, les nazis cherchaient à effacer jusqu’à leur nom, leur souvenir ». C’est donc pour redonner une dignité et une existence dans les mémoires à Maurice Bloch que ce film a été réalisé. Des précisions ont été données aux élèves : « L’anéantissement des juifs se faisait soit par le travail forcé dans les camps de concentration, soit par la mise à mort systématique, à échelle industrielle, dans ce que les historiens appellent aujourd’hui les centres de mise à mort ». Les deux enseignantes de conclure que l’antisémitisme actuel, se manifestant notamment par des actions de profanation vraisemblablement pilotées par des groupes politisés et organisés, nous interrogent collectivement sur le devoir de mémoire.
Une soirée intitulée « Nous sommes tous enfants de Wetshoffen », organisée par la SHASE avec le soutien de la ville de Saverne, aura lieu le 29 janvier à 19h 15, salle Marie-Antoinette, et le film « Kaddish pour un prof » sera présenté par Mme Jost-Lienhard.