Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 
Le 8 avril 2021, la 2de2 du lycée du Haut-Barr devait assister à une représentation de la pièce Oncle Vania, avec la professeure Edwige Lanères. Crise sanitaire oblige, la Compagnie OC§CO assure le spectacle, en direct du TAPS Scala, en classe virtuelle.
Tant de projets tombent à l’eau qu’on finirait par se noyer dans les annulations. Au milieu du naufrage, quelques compagnies surnagent, tant bien que mal, pour que les arts vivants... vivent, coûte que coûte.
L’un de ces radeaux de la Méduse s’appelle OC§CO, une troupe talentueuse dirigée par le « capitaine » Olivier Chapelet. Directeur des TAPS, metteur en scène, père de la comédienne Coline Chapelet, l’artiste ne se laisse pas démonter. Les théâtres restent fermés ? Qu’à cela ne tienne, nous viendrons jouer Tchékhov dans le réfectoire du lycée. Le directeur vient visiter la cantine du Haut-Barr, accompagné de Françoise Lervy, l’une des comédiennes de la troupe. Une semaine plus tard, Flop ! encore un projet à la mer ! Tous les lycées et collèges de France doivent fermer leurs portes ; l’enseignement se fera à distance. Olivier tangue, mais ne coule pas. 
La compagnie ne peut plus jouer dans les lycées ? Nous jouerons au théâtre, et je filmerai les comédiens. Les spectateurs assisteront à la captation en direct ; cela reste de l’art vivant... ou survivant... rescapé, naufragé, tout ce qu’on veut mais nous ne sommes pas morts.
Soit. La professeure présente la pièce en classe virtuelle. Sur son diaporama, elle a pris soin de représenter les personnages uniquement sous les véritables traits des acteurs et actrices de la troupe, afin d’aider les élèves à s’y retrouver, pendant la représentation filmée.Si vous souhaitez consulter ce diaporama, cliquez ici :
 
 
 
L’après-midi, toute la classe se retrouve sur JITSI, une plateforme qui ne subit pas la saturation du réseau du CNED, fort heureusement. Plusieurs médiatrices nous accueillent, puis le capitaine Chapelet nous fait monter à bord de son théâtre. L’image bouge beaucoup : c’est une tablette qui fait office de caméra, de perche, de micro... et en guise de stabilisateur, les jambes solides du capitaine.
Parés à l’abordage, c’est parti !
La nounou (adorable Françoise Lervy) proteste contre l’intrusion de Sérébriakov, un vieil universitaire grincheux, et de sa jeune et jolie épouse Eléna : depuis leur arrivée, rien ne va plus. On ne dîne plus à l’heure ; Vania, épris d’Eléna, ne travaille plus... Même le bon docteur Astrov semble désenchanté.
 
 
Après chaque scène, Olivier ou Françoise résume les passages éludés, car le radeau prend l’eau : on ne joue pas la pièce entière, ce serait trop long en classe virtuelle. Alors on colmate les brèches ; on explique aux élèves les réactions des personnages, et les actions que l’on ne peut jouer. C’est un peu frustrant ; il nous prend l’envie d’accourir au Scala pour voir la pièce en entier, avec le jeu si subtil des interprètes ; avec les décors, les lumières, les costumes, et surtout avec le texte intégral, si poignant, de Tchékhov.
Pourtant, il faut reconnaître que ce côté « caméra au poing » n’est pas sans charme. Nous découvrons au plus près les expressions de Coline (Sonia, ou Sophia, selon les traductions), de Françoise (la nounou), d’Anne-Laure (la belle Eléna), de Fabien Joubert (Vania, si drôle, si touchant), de Yann Siptrott (le séduisant docteur Astrov), de François Small (en Sérébriakov attendrissant) et de Bruno Journée (Téléguine, le confident).
Le docteur Astrov se confie à la nourrice : il n’a pas oublié l’employé de la voie de chemin de fer qui est mort sous ses yeux. A ce moment, son sentiment s’était réveillé, alors qu’il le croyait éteint. L’idée de la mort côtoie l’idée de l’amour. La jeune Eléna subit les jérémiades de son vieil époux. La vaillante Sonia s’éprend du médecin qui ne croit plus en rien, sauf en la beauté. Celle d’Eléna. Et celle d’une nature terriblement abîmée, détruite par les hommes. 
 
 
Tout semble s’effriter, dans cette maison de campagne hantée par le souvenir de la mère de Sonia, la défunte sœur de Vania. Ivan, le héros éponyme, a travaillé toute sa vie pour une idole qui vient de choir de son piédestal : son beau-frère Sérébriakov, l’époux de la belle Eléna. Aussi, lorsque ce vieil hypocondriaque révèle son intention de vendre la propriété, « l’orage éclate », annonce Olivier Chapelet. Devenu fou, Vania tire au pistolet sur Sérébriakov ; il le manque, s’enfuit, vole de la morphine pour mettre fin à ses jours. Enfin son ami, le docteur Astrov, reprend le flacon, et quitte les deux femmes éprises de lui : Eléna et Sonia. La jeune fille tâche d’apaiser son oncle, en le remettant au travail. Après la mort, dit-elle, « nous nous reposerons ».
« E finita la commedia », annonce Vania, redevenu Fabien Joubert, après ce patchwork de scènes, recousu à larges points par les explications de Françoise Lervy.
 
 
 
Olivier Chapelet propose aux élèves sans visage - de simples carrés de couleurs sur la page Jitsi - un échange avec les artistes. 
    - Coline, demande-t-il à sa fille, qu’est-ce que cela te fait de jouer devant une caméra, et non devant un public ?
    - C’est troublant, répond-elle.
    - On essaye de penser au public qui regarde, de l’autre côté, renchérit Bruno Journée.
 
 
Eliott, un élève qui pratique le théâtre en atelier, salue la performance des acteurs. Il a beaucoup aimé se remémorer, grâce à cette forme allégée, le spectacle vu à l’Espace Rohan de Saverne, l’an dernier.
    - Moi aussi, j’ai eu la chance de voir la représentation au théâtre, quand j’étais en 3ème, déclare Victor. Cette fois, vous ne bougiez pas, vous jouiez en restant assis sur les sièges. N’était-ce pas trop difficile, de rester sur place au lieu de vous déplacer ?
    - Un peu, répond Yann. Disons que ce jeu pourrait s’apparenter plus à du cinéma. Mais j’avoue que je préfère avoir un public dans la salle, percevoir la sensation de la présence des spectateurs, leurs réactions, et aussi la qualité du silence. C’est très différent.
 
 
Thibaut intervient à son tour : « La caméra était proche de vous, les plans étaient serrés. Comment avez-vous travaillé cela ?
    - De plus en plus de théâtres utilisent la vidéo, explique Fabien (Vania). Là, je pense qu’Olivier a vu des choses qu’il ne voit pas habituellement, quand il nous dirige à cinq mètres.
   - Pas vraiment, rétorque le directeur : les acteurs jouaient de la même façon, avec les mêmes expressions, mais en moins fort. J’aime les expressions simples, et non pas le jeu ampoulé, exagéré. Un jeu naturel met davantage l’acteur ou l’actrice en danger, car il faut aller chercher ses émotions.
 
 
    - Et pour vous organiser, demande Eliott, il a fallu faire vite...
    - Suite à l’allocution de Macron, mercredi soir, reprend Olivier, l’idée a germé, pendant la nuit, de vous proposer cette forme filmée. La troupe a répété au théâtre pendant le weekend de Pâques ; nous avons choisi les scènes à interpréter, les placements ; en deux après-midi le montage était bouclé.
    - Et vous n’aviez pas de vraie caméra demande la professeure ?
    - Elle n’aurait pas été connectée ; nous avons fait avec les moyens du bord.
    - Tiens, comme nous.
 
 
Suzel, une élève, semble intriguée : « Cela ne vous mettait pas mal à l’aise, de jouer juste devant la tablette ? »
    - Cette proximité nous oblige à aller chercher en nous-mêmes les sentiments, et la précision du jeu, explique Françoise.
C’est elle qui avait ouvert le bal ; elle qui l’a mené, au fil de ses commentaires reliant les scènes, et c’est elle encore qui le referme.
 
 
Ecran noir.
Mille mercis à la Compagnie OC§CO pour cette représentation filmée, et pour l’échange qui a suivi, entre les jeunes et les artistes.
Nous avons tous hâte que les théâtres rouvrent leurs portes, après plus d’une année de sevrage culturel.
Un grand coup de chapeau au capitaine Olivier Chapelet, et à toute sa troupe de vaillants matelots !
Bon vent !
Au plaisir de vous revoir, en vrai, sur le pont !
Edwige Lanères
 
Lien pour visionner quelques scènes d’Oncle Vania, jouées par la compagnie OC§CO :
 https://www.youtube.com/watch?v=7ci2Nrpw_BA