Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 
Photo 1 : Présentation du projet de court-métrage.
 
Une trentaine d’élèves du Lycée du Haut-Barr, issus de différentes classes de sorte à procéder à un brassage entre les niveaux (Secondes, Premières, Terminales) et les voies (générale, technique, professionnelle), a été invitée à participer à la séance de lancement du projet UNESCO qui consiste à réaliser un court-métrage pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ce projet, mené en partenariat avec la ville de Saverne, et soutenu par l’équipe de direction du Lycée du Haut-Barr, consiste dans la réalisation d’un spot filmé qui mettra en avant des phrases fortes pour lutter contre les violences de l’intime, qu’elles soient conjugales ou sexistes. Ce petit film, tourné par la vidéaste Mme Anne Chabert, sera présenté au public, dans le cadre des manifestations pour la Journée internationale contre les violences faites aux femmes (25/11) et de la Journée de la femme (08/03), au cinecubic de Saverne, mais aussi dans les collèges de Saverne. 
La séance s’est donc ouverte sur une présentation à plusieurs voix du projet. Mme Béatrice Stefaniuk, adjointe en charge de la Jeunesse, a expliqué combien il était important à ses yeux que « des jeunes sensibilisent des jeunes à ces questions de société essentielles ». Mme Le Van, enseignante de philosophie, référente Unesco de l’établissement et organisatrice de la rencontre, a affirmé que « la violence n’est pas une fatalité ! » et a souligné les aspects constructifs de la participation à un tel défi qui confère des compétences d’oralité et d’engagement citoyen. M. Olivier Caron, du Service Jeunesse de la Ville de Saverne, a indiqué que « les violences ne concernent pas que des femmes adultes, mais des jeunes filles dès le collège, voilà pourquoi il importe de mobiliser des jeunes ». Mesdames Ophélie Simon, du service de la Jeunesse, Edwige Laneres, professeure de Lettres, et Emmanuelle Bocquet, CPE, ont assisté à la séance et participé aux échanges. 
 
Photo 2 : Conférence de Mme Graff.
 
Après cette présentation, les jeunes ont eu la chance de pouvoir écouter une intervention de Mme Stéphanie Graff, anthropologue spécialiste de la question des violences faites aux femmes, membre de l’association Solidarité Femmes 67. Après avoir distingué les « conflits » - qui sont acceptables, car ils s’effectuent dans le cadre d’une relation égalitaire dans le couple - des « violences » - qui sont inacceptables et condamnées par la loi, car elles sont le reflet d’une situation inégalitaire, où la femme subie une domination et une emprise dégradantes – à l’aide d’un film explicatif, la conférencière a mentionné des chiffres qui font mal : une femme meurt sous les coup de son partenaire tous les 3, 5 jours en France en 2020 ; une femme sur dix est victime de violences ; 87% des victimes de violence sont des femmes ; 87% des victimes de violences sexuelles sont des femmes ; 96% des personnes condamnées pour violences sont des hommes ; 99% des personnes condamnées pour violences sexuelles sont des hommes. 
 
Même si les lois sanctionnent durement les violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, néanmoins notre société souffre encore de la banalisation et de la normalisation des violences faites aux femmes. Le système patriarcal est à l’origine de ce phénomène, si bien que les victimes ont du mal à s’exprimer et à être entendues : moins de 1 femme sur 5 victimes de viol va déposer plainte et moins de 1% des viols aboutissent à des condamnations de leur(s) auteur(s). Les formes de violence faites aux femmes sont variées : intimidations, isolement de la victime, dévalorisation, chantage affectif, sévices, étranglement, violences sexuelles, cyberviolence, géolocalisation, violences économiques, et cela peut aller jusqu’au féminicide. Mme Graff insiste : « il n’y a pas de devoir conjugal, un viol conjugal est une circonstance aggravante du crime ».
 
Elle va ensuite présenter les mécanismes de la violence et la stratégie de l’agresseur, que ce soit lors de violences conjugales, mais aussi dans le cadre du travail : 1. Tout d’abord, l’agresseur isole la victime en la coupant de ses relations. 2. Il commence à la dévaloriser et lui tient des propos qui la rabaisse. 3. Il procède à une inversion de la culpabilité et de la responsabilité (« si je te frappe, c’est parce que tu portes une jupe trop courte ! »). 4. Il menace et fait peur, il évoque des représailles si la victime ne suit pas ses volontés. 5. Il assure son impunité vis à vis de l’entourage, personne ne doit se douter de ce qu’il se passe (il peut même se faire passer pour féministe !). 
 
 
Photo 3 : L’intervention de Mme Graff captive l’auditoire.
 
L’intervenante va décrire le cycle de la violence : 1. Une escalade des tensions voit le jour. L’auteur exprime des frustrations, est fâché, il ne veut plus communiquer. La victime est inquiète, demande des explications et se plie aux exigences. 2. Le passage à l’acte a lieu : il donne des coups. La victime est en état de choc, elle peut être en colère ou triste, les réactions varient selon les personnes. 3. L’inversion de la culpabilité est mise en œuvre avec un transfert des responsabilités. L’auteur donne des raisons à sa violence, la victime culpabilise. 4. L’agresseur présente des excuses et commence une phase nommée la « lune de miel » suite à des promesses formulées : « promis, je ne recommencerai pas ». La victime va minimiser les faits de violence en disant qu’il s’agissait d’un simple accident, d’une crise ponctuelle, elle va retirer sa plainte. Et le cycle infernal recommence avec, à nouveau, 1. une escalade des tensions, etc. Il faut en moyenne 7 allers-retours avant qu’une femme ne se décide à partir définitivement, on voit donc qu’il est long de sortir d’une situation d’emprise.  
 
Les victimes subissent souvent un conditionnement et sont de ce fait sous l’emprise de l’agresseur, ce qui constitue une véritable aliénation. De plus, elles sont souvent des personnes vulnérables ou dans une période de fragilité (deuil, perte d’emploi, maladie, etc.). L’auteur va détruire les capacités psychiques de l’autre : « Regarde comme tu es laide, mais personne ne pourra t’aimer comme moi ». On voit bien là toute l’ambiguïté de la relation et la manipulation sous-jacente.  Après avoir détruit les capacités psychologiques de sa partenaire, cette dernière va en venir à accepter l’inacceptable. Il convient également d’évoquer un mécanisme de survie quand une personne est en état de choc : « la sidération psychique » qui s’accompagne d’un « état de dissociation ». Elle va présenter un petit film qui explique ce phénomène, puis elle évoquera l’importance du consentement.
 
Les conséquences des violences subies sont nombreuses et destructrices : troubles alimentaires, du sommeil, déséquilibres psychologiques et physiques, conséquences sociales et professionnelles néfastes, soucis financiers, perte du logement, etc. Pour contrer la stratégie de l’agresseur, que faire ? Que dire aux victimes ? « Je te crois » - rompre l’isolement – « Tu as bien fait de parler » - instaurer de la confiance, valoriser la victime dans sa démarche – « Tu n’y es pour rien, c’est lui le coupable » - neutraliser la culpabilité – « La loi l’interdit » - rappeler le cadre légal – « Je peux t’aider » - mettre en relation avec des associations de prise en charge et de soutien des femmes victimes de violences. 
 
 
Photo 4 : Un « violentomètre » pour évaluer la nature d’une relation de couple. 
 
Stéphanie Graff va ensuite présenter un « violentomètre » : en vert, les relations décrites sont saines ; en orange, les relations évoquées commencent à devenir malsaines, et en rouge, elles sont clairement toxiques et dangereuses. Puis elle rappelle qu’il faut combattre les idées reçues : 1. Les violences conjugales sont présentes dans toutes les classes sociales, tous les milieux, toutes les cultures, et non pas seulement dans les classes défavorisées. 2. Il n’est pas acceptable de chercher des excuses à la violence : « rien ne justifie jamais les violences ! ». 3. On reproche à certaines victimes de retirer leur plainte et de retourner chez leur agresseur, mais elles sont dans une situation d’emprise, donc sans autonomie psychique. 4. On ne peut pas, pour se désintéresser du problème, arguer du fait que ce serait un phénomène marginal puisque 1 femme sur 10 est victime de violences, il s’agit donc d’un problème de société et de santé publique. Il faut donc devenir acteur pour que cela puisse cesser !
 
 
Photo 5 : Le clip réalisé par la Ville de Saverne.
 
Pour terminer, deux petits films sont présentés, l’un battant en brèche avec humour les préjugés sexistes dans les contes de fées, l’autre présentant un clip réalisé par le Service Jeunesse de la ville de Saverne. Pour achever cette séance, les élèves vont exprimer chacun à leur manière leur gratitude à la conférencière en indiquant ce qui les a touché ou interpellé dans cette présentation. 
 
- Pour regarder des petits films qui font réfléchir :
 
*Lien vers le film permettant de distinguer conflits et violences :
 
 
*Lien vers le film sur le consentement : 
 
 
*Lien vers le film expliquant le phénomène de « sidération psychique » :
 
 
*Lien vers le film montrant que les contes véhiculent des préjugés sexistes :
 
 
*Lien vers le clip réalisé par le Service Jeunesse de Saverne pour dénoncer les violences faites aux filles : https://www.youtube.com/watch?v=B-qkTqm3Mew
 
- Eléments de bibliographie, proposés par Mme Graff.
 
- Osez le féminisme, Petit guide pour un sexualité féministe et épanouie.
 
- Ernestine Ronai, Edouard Durand, Violences conjugales. Le droit d’être protégée, Dunod, 2017.
 
- Ernestine Ronai, Edouard Durand, Violences sexuelles. En finir avec l’impunité, Dunod, 2021.
 
- Les malles pour l’égalité du Centre Hubertine Auclert, ressources bibliographiques pour le second degré : https://view.genial.ly/60c20375a155ab0dacb44c9a/presentation-malle-bibliographique-2nd-degre