Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

Photo 1 : François Cancelli avec les 1HLP.
 
L’ensemble des élèves de terminale (séries générale, technologique et pro) ainsi que de première HLP du lycée du Haut-Barr, soit environ 200 jeunes, ont eu la chance de bénéficier, dans leur classe respective, d’un atelier d’une heure avec le metteur en scène François Cancelli pour préparer le spectacle « Nous l’Europe » de l’écrivain-poète Laurent Gaudé. Les élèves découvriront ce texte poétique théâtralisé, interprété à la manière d’un oratorio par la Compagnie La Strada, à l’Espace Rohan le 17/11/2023, dans le cadre des Journées d’études Louise Weiss de Saverne, deuxième édition, et du projet UNESCO 2023-2024 « L’Europe, le miracle de la paix », coordonné par Claire Le Van, référente UNESCO. 
Ces ateliers stimulants se sont déroulés du jeudi 09/11 au lundi 13/11, dans les cours de philosophie d’Elise Picogna (TG3 et TG4) et de Claire Le Van (TSTI1, 1HLP et TG2), les cours d’histoire-géographie de Caroline Freys-Autret (TG1) et de Mathieu Wehrlé (TSTI2), et dans le cours de français d’Évalie Starowicz avec Michaël Ambry (TPRO). François Cancelli a lu des extraits de l’œuvre et des textes complémentaires de manière très expressive, avec sensibilité et authenticité, pour aborder des questions essentielles qui résonnent d’une manière particulièrement vive face aux terribles actualités : la paix est-elle une folle utopie ou une possibilité actualisable ? Est-il facile d’assumer l’héritage historique et culturel européen, fort contrasté car fait d’éclats de lumière mais aussi d’épisodes sanglants ? Comment passer d’une géographie européenne à une philosophie européenne ?
 
Photo 2 : François Cancelli avec les TSTI1 et Claire Le Van.
 
Le comédien-metteur en scène a commencé par donner des éclairages sur l’écrivain-poète Laurent Gaudé, dramaturge et auteur récompensé par le prix Goncourt, qui déclare : « Je veux une poésie qui s’écrive à hauteur d’Homme », et qui précise : « les mots du poète sont obscurs et clairs à la fois ». Des inégalités violentes existent, des menaces grondent, des périls se profilent, et pourtant toute quête existentielle implique de parvenir à se forger une identité : « vivre et dire ce que l’on est et ce que l’on veut être ».  François Cancelli explique que le spectacle auquel les élèves vont assister ne sera « pas spectaculaire, c’est le texte qui fait tout à lui tout seul », il n’y a pas de situation dramaturgique, juste une longue épopée de l’histoire européenne en une douzaine de chapitres qui sont autant de tableaux oratoires, chantés comme un oratorio avec un accompagnement musical et des intermèdes vocaux avec des chansons engagées, certaines d’entre elles ayant accompagné résistances et révolutions. Pour Laurent Gaudé, il s’agit de redécouvrir l’utopie européenne, de redéfinir les idéaux qui nous guident, pouvant valoir comme boussole de valeurs, et de réfléchir à ce que signifie actuellement une citoyenneté européenne vivante : « Le rêve européen a besoin de désir ». 
Après la présentation du spectacle, François Cancelli a offert des lectures vivantes tirées d’un panel de textes et d’auteurs inspirants, évoquant des sujets qui entrent en écho avec les questionnements ouverts par « Nous l’Europe, le banquet des peuples ». Banquet de prédateurs dévorant tout ou de philosophes dialoguant à la recherche d’éclats de vérité ?
 
Photo 3 : François Cancelli présente aux élèves de TSTI les extraits d’un corpus qu’il a sélectionné pour les éclairages qu’ils confèrent sur l’histoire européenne.
 
*Victor Hugo, Discours au Congrès de la paix (1849). Le comédien François Cancelli explique que les lumineuses convictions de ce monument de la littérature qu’est Victor Hugo sont merveilleusement idéalistes et optimistes. Ce dernier déclare avec fougue : « La loi du monde n’est pas et ne peut pas être distincte de la loi de Dieu. Or, la loi de Dieu, ce n’est pas la guerre, c’est la paix » et il poursuit en estimant que le rêve de la paix et les progrès de la civilisation, que la fraternité européenne se sont désormais substitués à la guerre, de sorte que la paix n’est plus utopie, mais réalité... Comme on aimerait que les faits lui donnent raison… 
 *Charles Baudelaire, extrait de son journal intime, « Mon cœur mis à nu », écrit 30 ans plus tard : c’est un texte beaucoup moins optimisme, et même franchement défaitiste, puisque le poète déclare : « Le monde va finir (…) Qu’est-ce que le monde a à faire sous le ciel ? ». Baudelaire dénonce la mécanisation, l’américanisation, la vénalité rampante, « l’ardeur vers Plutus », bref, il s’agit dans un langage somptueux, mis en valeur par l’interprétation du comédien, d’une dénonciation en règle du règne de l’argent ou d’un capitalisme aussi aveugle qu’avilissant. Avertissements, prémonitions, éclairs de lucidité, jugements implacables et accablants, Baudelaire dénonce l’appauvrissement qui consiste à ne vouloir s’enrichir que pécuniairement !
 
Photo 4 : Aède des temps modernes, François Cancelli donne corps et voix aux textes… des moments d’une grande intensité oratoire !
 
*Jehan Rictus, Les soliloques du pauvre (le slameur-rapeur VIRUS a mis certains de ces textes en musique) : l’interprétation si éloquente de François Cancelli permet de saisir les propos exprimés par l’auteur en un argot parfois à la limite du compréhensible. Le poète Jehan Rictus et le comédien François Cancelli donnent ainsi voix à la langue du peuple et de sa misère, pour dénoncer les injustices sociales. 
 
Photo 5 : Les 1HLP sont sous le charme… pas un bruit… l’écoute est profonde car les messages sont forts…
 
*Jean Giono, préface des Carnets de Moleskine de Lucien Jacques (1939) : l’écrivain pacifiste explique que l’Homme a le choix entre « la facilité » et « le troupeau » ou « le courage » et « la solitude ». La facilité, c’est la guerre, la troupe armée qui va à l’abattoir ; le courage, c’est le pacifiste qui déclare : « nous sommes seuls », car voué à la solitude. Le guerrier est reconnu, il est en quête de gloire, il est le « sauveur de la nation », mais la vérité de la guerre lui sera bientôt cruellement révélée : « C’est un simple débat avec la mort », une néantisation. La vérité de la guerre ce ne sont ni les honneurs, ni la grandeur, ni l’héroïsme, ni le collectif, mais de très petits sentiments, des douleurs vives, des chairs déchiquetées, des drames particuliers, des « petites choses sales et basses », c’est quand « la bassesse occupe le ciel » !
 
Photo 6 : Les élèves de TG2, qui ont travaillé sur le dossier pédagogique fourni par l’Espace Rohan l’heure d’avant, sont touchés par les textes interprétés de manière captivante.
 
*Aimé Césaire, poète et homme politique, fondateur avec Léopold Sédar Senghor du mouvement littéraire « la négritude », extrait du Discours sur le colonialisme (1955) : l’auteur affirme que « l’Europe est indéfendable (…) moralement, spirituellement indéfendable… », en raison notamment de son appétit vorace lors de la période coloniale. Il évoque un « pédantisme chrétien » et une équation pernicieuse qui soutient que : « christianisme » équivaut à « civilisation » et « paganisme » à « sauvagerie ». Or, le colonialisme décivilise le prétendu civilisateur, le fait tomber dans « l’ensauvagement ». Ainsi, la folie nazie constitue « l’humiliation de l’homme blanc » qui n’hésitait pas auparavant à humilier les autres peuples, si bien que l’histoire du colonialisme européen est assimilée à une véritable barbarie (d’une certaine manière comparable au nazisme…).
 
Photo 7 : Quand les textes résonnent en chacun et chacune du fait qu’ils sont exprimés avec force, nuances, humour, musicalité…
 
*Génération 68 (chroniques) : texte évoquant comment le MLF (Mouvement de Libération des Femmes) s’est battu, notamment en intervenant de manière forte lors d’une conférence d’un médecin anti-avortement de l’Institut catholique, aveuglé par des doctrines, et bien loin de la réalité du destin des femmes qui portent un enfant indésirable car non-désiré.
 
 Photo 8 : François Cancelli avec les TG2 et Mme Le Van après une séance éblouissante, où les textes lus resteront gravés dans les mémoires.
 
Merci à François Cancelli pour sa présence rayonnante et généreuse auprès des jeunes !
Merci à la direction du lycée du Haut-Barr, Roland Buttner, Laurence Jezequel et Morgane Montembault, pour le soutien dans l’organisation des ateliers de préparation !
Merci à l’Espace Rohan, à son directeur Denis Woelffel et ses équipes, en particulier Sophie Dudt, pour la programmation du spectacle « Nous l’Europe » de Laurent Gaudé avec ces séances en amont de préparation au spectacle !
Merci à mes collègues enseignantes et enseignants du lycée de s’être engagés dans cette démarche artistique, culturelle et réflexive !
Merci aux élèves d’avoir écouté avec tant d’attention et d’émerveillement !
 
Le 21. 11. 2023, Claire Le Van